Né le 27 mars 1886, Aix-la-Chapelle en Allemagne, Ludwig Mies vient d’une famille modeste, Fils de Michael Mies, tailleur de pierre, et d’Amalie Rohe. Élève d’une école professionnelle de dessin, il entre à quinze ans comme apprenti chez des décorateurs locaux, pour lesquels il exécute des décors « Renaissance » dans des immeubles de rapport.
Les Débuts : Des Pierres Brutes à l’Architecture Moderne
En 1906 à l’âge de 19 ans, il débarque à Berlin, la grande ville, Il devient dessinateur, traîne ses crayons chez Bruno Paul, un architecte et designer de l’époque spécialisé dans le style « art nouveau ». Deux ans plus tard, il reçoit sa première mission, une maison de banlieue traditionnelle. Son exécution parfaite a tellement impressionné Peter Behrens, alors l’architecte le plus progressiste d’Allemagne, qu’il a offert au jeune homme de 21 ans un emploi dans son bureau. Et là, Ludwig, il bosse avec des futurs cadors comme Walter Gropius et Le Corbusier. Une équipe de choc, quoi.
Behrens, n’était pas le premier venu. Un ponte du Deutscher Werkbund, une association qui voyait grand : marier l’art et la technologie, rien que ça. Par son biais, Mies a mis un pied dans cette confrérie d’artistes et d’artisans qui voulait dépoussiérer la création. Leur rêve ? Une tradition de design flambant neuve, taillée pour l’ère industrielle, où chaque chose, même fabriqué à la chaîne, aurait une âme et un sens. Une sorte de « culture universelle », la fameuse Gesamtkultur, qui mettrait tout le monde d’accord.
Ces idées-là, elles ont fait des petits. C’est de là qu’est parti tout le mouvement moderne en architecture. Ça a mijoté, ça a bouillonné, jusqu’à accoucher du fameux style international.
À Berlin, Mies a pris une autre claque : les formes néoclassiques de Schinkel, un génie du début du XIXe siècle. Behrens en était fan, et il a refilé le virus à Mies. Du pur, du simple, du monumental : Schinkel, c’était l’école de l’épure avant l’heure. Et Mies, il en a fait son credo. Toute sa quête de cette fameuse Gesamtkultur.
C’est là qu’il pige son truc, le Ludwig : du simple, du fonctionnel, du propre. Pas besoin d’en faire des tonnes. L’essentiel, c’est d’aller à l’essence. Un peu comme un bon polar : pas de fioritures, que du solide.
En 1913, Ludwig Mies, il se dit qu’un nom, ne fait pas tout, mais ça aide quand même à ouvrir les bonnes portes. Alors, le gars, il s’offre une petite rallonge aristocratique. Il rajoute un joli « van der Rohe » à son blaze. Le « van der », c’est pour faire chic dans les salons de Berlin et le « Rohe » c’est un clin d’œil à maman.
En 1912, fort de son expérience, Mies ouvre son propre cabinet d’architecture à Berlin. L’année suivante, en 1913, il épouse Adele « Ada » Bruhn, fille d’un riche industriel. Ce mariage lui apporte une stabilité financière qui lui permet de développer sa pratique.
Dans l’effervescence artistique de la république de Weimar
Pendant la Première Guerre mondiale, Mies sert comme soldat, construisant des ponts et des routes dans les Balkans. De retour à Berlin en 1918, c’est une autre chanson : la monarchie allemande a pris la porte, la République de Weimar s’installe, et ça bouillonne dans tous les coins. Les artistes, les architectes, les peintres, les sculpteurs explosent de créativité.
D’après les cerveaux en ébullition du Bauhaus, cette école d’artistes qui carburaient à l’avant-garde, l’architecture, la peinture et la sculpture, fallait que ça largue les amarres des vieilleries pour voguer vers des formes toutes neuves…à l’international.
Mies a rejoint plusieurs groupes d’architecture modernistes à cette époque et a organisé de nombreuses expositions, mais il n’eut pratiquement rien à construire. Sa seule construction durant cette période – un mémorial expressionniste aux dirigeants communistes assassinés Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, en 1926 – fût démolie par les nazis. Les travaux les plus important de Mies de ces années restèrent coincés sur le papier.
Sa vie personnelle fut marquée par des difficultés. Son mariage avec Adele Auguste Bruhn, avec qui il eu trois filles, Dorothea, Marianne, et Waltraut, battit de l’aile en raison de ses longues absences et de ses nombreuses relations extraconjugales. Leur divorce en 1921 sera un coup dur pour lui. Mies eu ensuite plusieurs relations amoureuses, dont une longue avec l’architecte et designer Lilly Reich, sa collaboratrice proche à partir de 1927 jusqu’en 1938.
Ses filles grandirent dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, et bien qu’elles aient été proches de leur père, Mies fût souvent très absorbé par son travail et ses projets, surtout après son divorce en 1921.
Malgré les distances et la séparation physique lorsqu’il émigra aux États-Unis, Ludwig Mies van der Rohe maintenu toujours des contacts avec ses filles. La relation avec sa famille fut marquée par sa carrière exigeante et son engagement envers l’architecture moderne. Mais malgré son influence internationale, sa vie privée fut marquée par une certaine solitude. Il était un homme de peu de mots, préférant la sobriété, tant dans ses relations personnelles que dans ses créations.
En 1927 c’est la première exposition Werkbund d’après-guerre à Weissenhof près de Stuttgart.
Le concept ? Une démonstration de logements modernes, orchestrée comme un opéra à plusieurs voix. Pas moins de 16 cadors de l’architecture européenne à la manœuvre, avec Le Corbusier et Mies lui-même. Résultat : 33 unités, entre maisons et immeubles, tout ça pour montrer que les querelles d’architectes d’après-guerre, c’était du passé. Désormais, tout le monde joue dans la même équipe, le fameux style international venait de naître.
Côté public, ce n’était pas l’hystérie, mais chez les critiques et les grands pontes, ça a fait mouche. L’élite européenne s’est mise à vouloir du moderne dans son jardin. Exemple parfait : la maison Tugendhat, que Mies livrera en 1930 à Brno.
Direction artistique du Pavillon allemand à l’Exposition Internationale de Barcelone
Le projet exécuté le plus célèbre de Mies de l’entre-deux-guerres en Europe est le Pavillon allemand de 1929 pour l’Expo internationale de Barcelone. Une merveille : des lignes simples, du verre, de l’acier, du marbre… Bref, ça sent le modernisme à plein nez. Le seul problème ? Ce chef-d’œuvre était censé être éphémère. Du coup, après l’expo, ils démontent tout. Heureusement, on le reconstruit dans les années 80, parce que bon, un monument pareil, ça ne mérite pas de finir dans un carton.
Mies avait aussi conçu le fauteuil « Barcelona », un bijou pour les rois d’Espagne. Un trône moderne, tout en cuir et acier inoxydable, inspiré des chaises pliantes de la Rome antique. Luxe et simplicité, une vraie déclaration d’intentions. Sauf que les monarques, ces ingrats, ne se sont même pas assis dessus. Tant pis pour eux, le fauteuil est devenu une icône quand même.
En 1930, Mies est nommé directeur du Bauhaus, qui a déménagé de Weimar à Dessau en 1925. Mais entre les attaques nazies de l’extérieur et des révoltes d’élèves de gauche de l’intérieur, l’école était dans un état de troubles perpétuels. Résultat, en 1933, rideau.
America, America
En 1937, Mies débarque aux States. Pas le temps de poser ses guêtres qu’il décroche un poste de patron à la School of Architecture de l’Armour Institute à Chicago, futur Illinois Institute of Technology pour les intimes. Il y restera deux décennies, et quand il rendra les clés en 1958, l’école sera une star mondiale, réputée pour ses méthodes d’enseignement rigoureuses et son campus, signé Mies lui-même.
Le campus, justement, c’est une masterclass de simplicité. Entre 1939 et 1941, Mies imagine des cubes épurés, adaptables à toutes les lubies de l’école. L’acier apparent, le verre à gogo qui reflète le décor et la brique jaune-brun, voilà sa recette. Pas de fioritures, mais une élégance fonctionnelle
C’est également aux États-Unis que Mies rencontre Lora Marx, une sculptrice talentueuse. Bien qu’ils ne se soient jamais mariés officiellement, Lora devient sa compagne à partir de 1940 et reste la personne la plus proche de lui en Amérique jusqu’à sa mort. Leur relation, à la fois personnelle et professionnelle, apporte une nouvelle dimension à la vie de Mies.
Après la guerre, le bureau de Mies s’est transformé en usine à projets. Les commandes pleuvaient, et pas des moindres : des gratte-ciels à la pelle, des colosses d’acier enveloppés de façades en verre.
Les Promontory Apartments à Chicago, livrés en 1949. Ou encore les Lake Shore Drive Apartments, sortis de terre en 1951 dans la même ville. Et pour couronner le tout, le Seagram Building à New York (1956-58), un bijou de bureaux haut perchés, habillé de verre, de bronze et de marbre, conçu avec son complice Philip Johnson. Là-dedans, chaque ligne, chaque proportion est pensée au millimètre.
Dans les années 50, l’Amérique carburait au rêve du progrès technique, un peu comme l’idée allemande de Gesamtkultur, mais en version stars and stripes. Résultat : des clones des tours en acier et verre de Mies fleurissaient aux quatre coins du pays et même au-delà. C’était l’âge d’or du style international, et Mies en était le maestro incontesté. Mies van der Rohe est d’ailleurs l’inspirateur direct de Minoru Yamasaki, l’architecte des Twin Towers.
Toujours au cours de cette période, Mies a appliqué son esthétique moderniste à trois structures de maisons, D’abord, la Farnsworth House à Plano, Illinois, achevée en 1951, une pure merveille de transparence et de minimalisme, comme un cube flottant, tout en verre et en acier. Puis, la Robert McCormick House à Elmhurst, achevée en 1952, qui, aujourd’hui, fait partie du musée d’art d’Elmhurst. Enfin, la Morris Greenwald House à Weston, Connecticut, terminée en 1955, encore un chef-d’œuvre de simplicité. Trois maisons, trois pièces de collection. Et, entre nous, ce sera à peu près tout , le reste, c’est pour les géants de verre et d’acier.
La Farnsworth House, justement, construite entre 1945 et 1951 pour la doctoresse Edith Farnsworth, une maison en verre, posée dans la nature. Mais derrière le chef-d’œuvre, l’affaire tourne au pugilat.
Au début, la doctoresse, elle est emballée, limite amoureuse du projet. Mais très vite, ça coince. D’abord sur les coûts : « Trop cher ! », qu’elle dit. Puis sur les dépassements : « Ça va durer combien de temps encore, ce cirque ? ». Résultat, Peu avant la fin des travaux, la relation personnelle tendue entre Farnsworth et Mies mena l’architecte-entrepreneur à poursuivre sa cliente pour non-payement de 28 173 $. La Farnsworth House, elle en sort un peu écornée, niveau réputation. Mais que veux tu ? Aujourd’hui, c’est une légende de l’architecture moderne. Comme quoi, même les génies et leurs clients peuvent finir par se prendre par la cravate, c’est rassurant pour nous, simple mortel.
Vidéo 3d de la Farnsworth house par Elips
Dans les années 1960, Mies a continué à créer de beaux bâtiments, dont le bâtiment Bacardi à Mexico (1961), l’immeuble de bureaux One Charles Center à Baltimore (1963); le Federal Center de Chicago (1964); la bibliothèque publique de Washington, D.C. (1967); la Galerie du XXe siècle (appelée plus tard la New National Gallery) à Berlin, consacrée en 1968. Le bâtiment IBM (1972), à Chicago, a été achevé après sa mort.
L’ombre de Mies, le taiseux perfectionniste
Mies, n’était pas du genre bavard, son style ? Minimaliste, mon pote. « Less is more », qu’il disait. Traduction : « Fais simple et tais-toi. ». Quand un étudiant lui montrait une maquette, il marmonnait : « Pas mal. Mais en plus simple, ce serait mieux. » Une phrase, un dogme.
Il fallait juste éviter de bouger une chaise sans son autorisation, jusqu’à déplacer un meuble d’un demi-centimètre comme sur le pavillon Allemand de l’expo universelle de 1929, un psychopathe du détail, histoire de bien énerver tout le monde…Germanique, quoi.
Mies continuera de vivre seul dans un appartement spacieux d’un immeuble ancien près du lac Michigan à Chicago jusqu’à sa mort en 1969. Mais Il laisse derrière lui des chefs-d’œuvre et des citations à méditer : » Ne parlez jamais d’architecture à un client. Parlez-lui de ses enfants. C’est tout simplement de la bonne politique, la plupart du temps, il ne comprendra pas ce que vous avez à dire sur l’architecture. »
Visionnaire, il s’est battu pour la pureté des formes, le fonctionnel sans fioritures. Aujourd’hui encore, son boulot fait école, ses idées tracent leur route dans le béton et l’acier de l’architecture contemporaine. Un vrai patron, dont l’ombre plane toujours sur le métier.
Pascal T.