Début du siècle dernier. 3 février 1898, Kuortane, Finlande. Hugo Alvar Henrik Aalto pousse son premier cri. Son père, Johan Henrik Aalto, était un arpenteur de langue finnoise et sa mère, Selly (Selma) Matilda (née Hackstedt) était une employée de poste de langue Suédoise.
À 18 ans, Ayant choisi une carrière d’architecte, il se rend à Helsinki, où l’École polytechnique (aujourd’hui l’Université Aalto) était le seul endroit en Finlande où l’on enseignait l’architecture. Il obtient son diplôme en 1921.
Il commence à travailler à Helsinki, mais ses premières commandes ne lui conviennent pas.
En 1923 il ouvre son premier cabinet à Jyväskylä où sa famille a déménagé quand il avait 5 ans. Il espère ainsi avoir plus de commandes en tant qu’enfant du pays. L’année suivante, il embauche Aino Marsio, diplômé d’architecture comme assistante. Sauf qu’assistante, ça ne lui suffit pas : elle devient aussi sa femme six mois plus tard. 1924, début d’un duo créatif qui va marquer l’histoire. Quand on bosse à deux, on avance vite : ils imaginent, dessinent, construisent et raflent des projets, une collaboration créative fructueuse qui durera 25 ans.
Le voyage de noce d’Alvar Aalto en Italie en 1924 a eu une influence significative sur son travail et sa carrière.
Les Aalto débarquent à Vérone, Padoue, Florence et Venise. Ce voyage marque un tournant dans le style d’Aalto, passant du classicisme nordique au modernisme.
Le sépulcre Rucellai d’Alberti (1455-1460) inspire leur première œuvre importante à Jyväskylä, le Club des Travailleurs (achevé en 1925).
Aalto intègre des éléments architecturaux du sud de l’Europe dans ses projets, comme les patios, qu’il adapte à l’environnement nordique.
Ce voyage lui permet de créer des liens avec des architectes avant-gardistes italiens, élargissant ainsi son réseau professionnel.
Ce voyage en Italie a donc joué un rôle crucial dans le développement du style unique d’Alvar Aalto, mêlant influences méditerranéennes et sensibilités nordiques, sa réputation à l’international commence à voyager plus vite que lui.
En 1927, Aalto déménage son agence à Turku, à 300 kilomètre de Jyväskylä, pas pour faire du tourisme, non, mais pour la bonne raison que Turku, c’est la porte ouverte sur l’Europe qui bouge. Une ville portuaire qui respire la prospérité, plus détendue qu’Helsinki, et surtout bien placée, pas loin de Stockholm, centre de l’avant-garde culturelle scandinave, Elle permet à Aalto de rester connecté aux tendances artistiques et architecturales de l’époque.
La ville lui tend des projets comme on tend la main à un bon copain comme l’immeuble du journal Turun Sanomat en 1929, son premier bâtiment fonctionnaliste. Le sanatorium de Paimio (1929-1933) marque un tournant dans sa carrière. Ce projet lui permet de développer sa vision d’une architecture centrée sur l’humain. C’est pour ce sanatorium qu’il conçoit le célèbre fauteuil Paimio, pensé pour faciliter la respiration des abîmés du souffle que sont les tuberculeux.
Ce déménagement marque un tournant dans le style d’Aalto, qui passe du classicisme nordique au modernisme, influencé par le style international qu’il a pu observer lors de ses voyages en Europe.
Il fait la connaissance de collègues stimulants dont Erik Bryggman ou de plusieurs défenseurs intéressants de la nouvelle architecture, des personnes qui deviendront amis, comme Carola et Siegfried Giedion, le critique, et Lazlo Moholy-Nagy, professeur du Bauhaus.
En décembre 1935, Alvar Aalto, sa femme Aino Aalto, la galeriste d’art Maire Gullichsen et l’historien d’art Nils-Gustav Hahl fondent Artek, une entreprise spécialisée dans le design et la fabrication de meubles.
Artek, devient vite beaucoup plus qu’une boîte à meubles, c’est une tribune pour le design finlandais.
Le nom, « Artek« , n’est pas choisi au hasard. C’est un mariage arrangé entre « art » et « technologie », reflétant le désir de combiner ces deux concepts, en écho au Mouvement moderne.
L’entreprise visait à concevoir des meubles pratiques et fonctionnels pour la vie quotidienne, tout en y ajoutant une touche d’art moderne.
Dans cette aventure, Aino, la madame Aalto, ne joue pas les figurantes. C’est elle qui tient la barre du design, avec un œil affûté comme une lame de scie et une vision esthétique qui touche à l’hypnotique. Sous sa houlette, Artek ne se contente pas de fabriquer des trucs sympas. Non, ça crée des icônes, notamment les créations en bois lamellé-collé comme le tabouret Stool 60 (1933) et stool 64 (1935), la table 81B 82B / 82 (1935), Le fauteuil Paimio (1931), la suspension Golden Bell (1937) ou A110 (1952), des meubles qui font de l’œil au monde entier. L’entreprise existe toujours aujourd’hui et continue de produire les designs classiques d’Alvar et d’Aino.
En 1933, avec la construction de Paimio, la réputation d’Aalto à l’étranger est solidement établie et il part à la conquête d’Helsinki. La capitale finlandaise était un fief des architectes de la vieille garde et il n’était pas si simple d’y obtenir des commandes. La bibliothèque de Viipuri (1927-1935), aujourd’hui en Russie, est une autre réalisation marquante de cette période, illustrant son approche moderniste.
Puis il pose ses valises à Munkkiniemi, un quartier d’Helsinki, où il fait construire une maison pour lui, pour eux, pour leur vie. A l’automne 1936, c’est fini, il s’y installe. Cette maison, c’est plus qu’un toit, c’est une idée, une sorte de brouillon pour la Villa Mairea qu’il imaginera plus tard pour ses amis Gullichsen. Une maison qui respire, comme lui, comme ses projets.
En 1938-1939 Il commença à réfléchir de plus en plus au potentiel des formes organiques et, sur cette base, il conçoit le pavillon Finlandais à l’Exposition universelle de New York.
L’élément le plus marquant du pavillon était son mur intérieur ondulant en bois, Frank Lloyd Wright, célèbre architecte américain, a qualifié ce mur ondulant d' »œuvre de génie » et reflète l’engagement des Aalto pour un design organique, caractérisé par des lignes rythmiques et des formes fluides.
Le pavillon finlandais de New York représente parfaitement l’approche d’Aalto, alliant innovation technique, esthétique moderne et inspiration naturelle, tout en mettant en valeur les matériaux traditionnels finlandais comme le bois.
La Seconde Guerre mondiale, pour Alvar Aalto, c’est le gros coup de massue. Lui, l’idéaliste, il croyait encore au grand rêve américain, à des lendemains qui chantent Et là, les canons s’en mêlent et les espoirs passent sous les chenilles des tanks.
Son sens de la responsabilité sociale l’a amené à rechercher de nouvelles approches ; Comment la Finlande allait-elle se reconstruire après la guerre ? Il a consacré beaucoup d’efforts au développement de logements préfabriqués et à la planification générale.
Quand la guerre s’est tue, il s’est remis à dessiner, pas juste pour chez lui, non, pour là-bas, de l’autre côté de l’océan. Premier chantier hors de Finlande : un dortoir pour les étudiants du MIT à Cambridge, Massachusetts. Pas juste des murs droits et des lits alignés. Il a repris son idée des formes organiques, ces lignes qui coulent, comme la vie. La guerre avait mis tout ça en pause, mais pas pour longtemps. Aalto, il n’arrêtait pas. Toujours à penser, toujours à bâtir.
La collaboration entre Alvar et Aino Aalto est interrompue par le décès prématuré d’Aino en 1949, des suites d’un cancer. Cette perte affecte profondément Alvar, tant personnellement que professionnellement.
En 1952, Aalto se remarie avec l’architecte Elissa Mäkiniemi, qui devient sa nouvelle collaboratrice et partenaire de vie.
C’est avec qu’elle qu’il découvre l’île de Muratsalo Il y construit une maison… pas une maison, non… une expérience. Des briques, des pierres, du bois, tout ce qu’il a dans la tête, il le pose là, sur ce bout de terre. Une cabane d’ermite, une arche de survie. C’est là qu’il se cache, qu’il respire à nouveau. Elissa est avec lui, toujours, un roc à ses côtés. Muratsalo, c’est devenu plus qu’un refuge, c’est une déclaration qu’on admire aujourd’hui, classé dans les papiers de l’UNESCO.
Les années 1950-1970 voient Aalto enchaîner les projets. À Helsinki, il redessine un quartier entier, le centre culturel près de la baie de Töölö. Dans le lot, l’opéra, l’académie de Finlande, le musée national, rien que ça. Pendant ce temps, les récompenses pleuvent : médaille d’or de l’Institut Royal des Architectes Britanniques en 1957, celle de l’Institut Américain des Architectes en 1963.
En 1958, Aalto quitte la présidence de l’Association finlandaise des architectes, poste qu’il occupait depuis 15 ans. Aalto a ressenti très fortement les critiques de la jeune génération d’architectes – il était accusé d’élitisme, juste au moment où le nouvel Aalto rationaliste émergeait.
Aalto, qui avait beaucoup parlé et écrit, se replia sur lui-même et se concentra sur le design. Jusqu’à la fin de la décennie, il y eut une multitude d’invitations et de concours remportés, par exemple la Maison Louis Carré (1957 – 1960), la mairie de Kiruna (1958), le musée d’art d’Aalborg (1958), le théâtre d’Essen (1959), etc.
Dans les années soixante, c’est les centres-villes qu’il façonne : Seinäjoki, Rovaniemi, des villes qui respirent son style, ses idées. Mais ça fatigue, tout ça. Aalto, il commence à sentir le poids des ans. Pourtant, l’esprit, il reste vif. Jusqu’au bout, il invente. Prenez le palais Finlandia, son aile du congrès : ces murs ondulés, concaves, qui dialoguent avec les arbres autour, c’est du jamais vu en Finlande. Le bâtiment respire la nature, il vibre comme un organe vivant.
Le 11 mai 1976, Aalto s’éteint à Helsinki. Clap de fin. Mais il laisse une trace immense. Et sa femme, Elissa, elle prend le relais. Les projets en cours, elle les termine : l’opéra d’Essen, le théâtre municipal de Jyväskylä, tout ce qu’il avait commencé, elle le porte jusqu’au bout. Elle dirige Artek, son entreprise, jusqu’à sa propre fin, en 1994. Elle est enterrée aux côtés d’Alvar, au cimetière de Hietaniemi.
Son importance dans l’architecture du XXe siècle ne cesse néanmoins de croître. Sa compréhension de l’homme comme partie intégrante de la diversité et de la complexité de la nature est en parfaite harmonie avec la nouvelle façon de penser écologique d’aujourd’hui.
Pascal T.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Alvar_Aalto
https://maisonlouiscarre.fr/mlc/
https://archeyes.com/villa-mairea-alvar-aalto/