Riken Yamamoto voit le jour le 25 juin 1945 à Pékin, en Chine, dans le tumulte de l’après-guerre. Fils de parents japonais, son père, ingénieur, travaillait en Chine dans le cadre de l’occupation japonaise. En 1947, la famille Yamamoto retourne au Japon, un pays dévasté par la Seconde Guerre mondiale. Le jeune Riken n’a que quatre ans lorsque son père décède en 1949, ce qui pousse sa mère à déménager dans sa ville natale de Yokohama.
Durant son enfance à Yokohama, Yamamoto grandit dans une maison traditionnelle japonaise appelée machiya. Cette demeure abritait à la fois la pharmacie de sa mère à l’avant et l’espace familial à l’arrière. C’est là qu’il comprend comment jongler entre le public et le privé, entre le brouhaha et l’intimité.
À 17 ans, il prend une claque mystique lors d’une visite au temple Kôfuku-ji à Nara. Confronté aux cinq éléments bouddhistes symbolisés par les cinq étages de la pagode, cette rencontre spirituelle influence sa décision d’étudier l’architecture.
En 1967, Yamamoto obtient son diplôme de l’université Nihon, Pas le temps de souffler qu’il enchaîne avec une maîtrise à l’université des arts de Tokyo en 1971. Durant ses études, il participe activement aux révoltes étudiantes de 1968, ce qui lui vaut de redoubler une année. il commence à avoir la dent dure contre le système productiviste et les dogmes modernistes qu’il juge appauvrissant et autoritaire.
Après ses études, Yamamoto poursuit des recherches anthropologiques à l’Institut des Sciences Industrielles de l’université de Tokyo, sous la direction du professeur Hiroshi Hara. En 1973, à l’âge de 28 ans, il fonde sa propre agence d’architecture, Riken Yamamoto & Field Shop, à Yokohama.
Au début de sa carrière, l’architecte se met en mode baroudeur, explorant le monde comme on dévore un vieux grimoire. Avec son mentor Hiroshi Hara, il parcourt la Méditerranée en 1972, de la France à l’Espagne, du parfum des souks marocains aux mosaïques tunisiennes, des dunes algériennes aux temples grecs, absorbant l’essence de chaque culture. Deux ans plus tard, cap sur l’Amérique : des routes poussiéreuses du Mexique aux hauteurs du Pérou, en passant par la moiteur du Costa Rica et les Andes colombiennes. Il pousse ensuite jusqu’en Irak, en Inde et au Népal, s’imprégnant des seuils fragiles où se croisent l’intime et le collectif.
Il comprend alors une vérité universelle : partout, l’architecture des anciens raconte le même rêve, celui de tisser un lien entre l’humain et sa culture, entre l’espace et son essence. Bien que les façades et les matériaux diffèrent, leur cœur résonne de la même mélodie. « Les villages étaient différents à la surface », confie-t-il, « mais leurs mondes étaient d’une étonnante parenté. »
Les premières réalisations de Yamamoto dans les années 1970 incluent plusieurs maisons privées : la Mihira House (1975), la Shindo House et la Yamakawa Villa (1977) où le moindre centimètre carré a son mot à dire, ainsi que la Kubota House, la Yamamoto House et le Studio Steps (1978). Ces projets témoignent déjà de son attention à la ville et aux usages.
En 1981, Yamamoto conçoit le Rotunda Building à Yokohama, l’une de ses premières œuvres représentatives. En 1986, il réalise le GAZEBO à Yokohama, sa propre maison, conçue pour encourager l’interaction avec les voisins.
Un tournant majeur dans la carrière de Yamamoto survient en 1991 avec la réalisation du complexe de logements Hotakubo à Kumamoto. Ce projet de 110 logements partageant un espace vert central. L’idée, c’est que les gens se croisent, se causent, se filent un sourire en allant chercher le pain.
En 1993, Yamamoto est sollicité pour conseiller sur les plans de Ryokuen-Toshi, une zone entourant une gare près de Yokohama. Face à l’impossibilité de mettre d’accord les différents propriétaires, il balance un concept aux petits oignons : pas de plan général, chacun construit comme il veut, mais tout doit être relié par un « tentacule ».
L’explosion de la bulle immobilière au milieu des années 1990 propulse l’atelier de Yamamoto vers la commande publique. Il réalise alors plusieurs projets d’envergure, notamment les universités de Saitama et d’Hakodate, ainsi que la caserne de pompiers d’Hiroshima en 2000.
La caserne de pompiers d’Hiroshima Nishi illustre parfaitement l’approche de Yamamoto. Les espaces d’entraînement des pompiers, habituellement à l’écart, occupent le cœur de l’édifice. Une galerie d’observation, comme au théâtre, permet aux mômes d’assister aux entraînements à travers des parois de verre, résultat, des pompiers qui bossent et des gosses qui rêvent. Malin, non ?
En 2006, Yamamoto conçoit le musée d’art de Yokosuka, un projet qui lui vaudra le prix de l’Institut japonais des architectes en 2010. Le musée, en grande partie souterrain, offre des vues spectaculaires sur la mer de Sagami et les montagnes environnantes, fusionnant ainsi l’architecture avec le paysage naturel. Même l’horizon applaudit.
Entre 2000 et 2011, Yamamoto enseigne à l’Université nationale de Yokohama et à l’École supérieure d’ingénierie de l’Université Nihon. À partir de 2015, il enseigne là oú il avait lui-même étudié,, l’Université Nihon.
Puis il s’exporte : en 2010, il va jusqu’en Corée du Sud avec le complexe de Pangyo, où il invente des appartements pensés pour que personne ne se sente seul. Et le clou du spectacle, c’est The Circle à Zurich, en 2020 : un quartier entier, conçu comme une scène de théâtre où tout le monde peut jouer son rôle et qui favorise les interactions sociales à grande échelle.
Concernant sa vie personnelle à l’âge adulte, les informations sont limitées. Les sources ne mentionnent pas de mariage ou d’enfants. Yamamoto semble avoir consacré sa vie à l’architecture et à l’enseignement
Tout au long de sa carrière, Yamamoto a développé une approche unique de l’architecture, cherchant à créer des lieux où les gens se croisent, se rencontrent, tout en offrant à chacun l’espace pour respirer et être soi-même. C’est dans ce jeu d’équilibre qu’il a façonné son architecture, une architecture qui ne se contente pas de construire des murs, mais de créer des espaces vivants, en perpétuelle conversation.
Le 5 mars 2024, le bonhomme rafle le Prix Pritzker, la palme d’or de l’architecture. Mais, fidèle à lui-même, il joue la modestie : « Le design, c’est pas trop mon truc », lâche-t-il, comme un boxeur qui refuserait de porter la ceinture. Sa vraie force, c’est d’avoir compris que l’architecture, c’est pas qu’une affaire de béton, mais un art de vivre ensemble.
Pascal T
Citations:
https://www.architecturedecollection.fr/riken-yamamoto-laureat-du-prix-pritzker-2024/
https://infos.trouver-un-logement-neuf.com/construire-maison-neuve/actualites/prix-pritzker-2024-riken-yamamoto-10108.html
https://www.rfi.fr/fr/culture/20240305-le-japonais-riken-yamamoto-laur%C3%A9at-du-prix-pritzker-2024-le-prix-nobel-de-l-architecture
https://www.larchitecturedaujourdhui.fr/riken-yamamoto-pritzker-prize-2024/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Riken_Yamamoto
https://archibat.info/riken-yamamoto-visionnaire-de-larchitecture-sociale-couronne-par-le-prestigieux-prix-pritzker-2024/
https://en.wikipedia.org/wiki/Riken_Yamamoto
https://www.batiactu.com/edito/cinq-projets-phares-riken-yamamoto-prix-pritzker-2024-68051.php
https://www.houzz.fr/magazine/le-japonais-riken-yamamoto-remporte-le-prix-pritzker-2024-stsetivw-vs~174186627
https://chroniques-architecture.com/pritzker-2024-riken-yamamoto-passage-oblige/
https://www.epfl.ch/campus/art-culture/museum-exhibitions/archizoom/fr/riken-yamamoto-2/